Absence d'un salarié pour intempéries : que dit le droit du travail ?

Les conditions météorologiques extrêmes peuvent empêcher un salarié de se rendre au travail ou l'obliger à quitter son poste. Neige, verglas, fortes pluies, tempêtes... ces situations soulèvent des questions juridiques importantes tant pour l'employeur que pour le salarié.
Quels sont les droits et obligations de chacun en cas d'absence pour intempéries ? Peut-on sanctionner un salarié qui ne vient pas travailler à cause du mauvais temps ? Découvrez tout ce que vous devez savoir sur ce sujet délicat.
Qu'est-ce qu'une intempérie au sens juridique ?
Définition légale des intempéries
Selon l'article L5424-8 du Code du travail, "sont considérés comme intempéries, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail". Cette définition prend en compte deux critères essentiels :
D'une part, les conditions météorologiques doivent présenter un danger pour la santé ou la sécurité des salariés. D'autre part, elles peuvent également rendre impossible l'accomplissement du travail en raison de sa nature ou de la technique requise.
Exemples concrets d'intempéries
Les intempéries peuvent prendre diverses formes selon les métiers et les secteurs d'activité. Les tempêtes, les fortes chutes de neige entraînant du verglas, les inondations importantes ou les conditions de vent extrême constituent autant de situations reconnues comme intempéries.
Dans le secteur du BTP, les intempéries font l'objet d'une classification spécifique et obéissent à une réglementation particulière, compte tenu de la nature exposée de ces activités. Les professionnels de ce secteur sont particulièrement concernés par ces dispositions.
Retard ou absence pour intempéries : le cadre juridique
Le principe de la force majeure
En principe, un salarié qui arrive en retard ou ne peut pas se rendre au travail à cause d'intempéries ne peut pas être sanctionné par son employeur. Cette situation constitue un cas de force majeure, c'est-à-dire un événement imprévisible, irrésistible et exceptionnel qui justifie de s'exonérer d'une obligation.
Concrètement, cela concerne les situations où le réseau routier devient impraticable, où le trafic est fortement perturbé dans les transports en commun, ou encore lorsque les aéroports sont fermés en raison des conditions météorologiques.
Absence de sanction mais possibilité de retenue sur salaire
Même si l'employeur ne peut pas sanctionner le salarié, il reste libre d'effectuer une retenue sur salaire strictement proportionnelle à la durée de l'absence. Cette règle découle du principe selon lequel l'employeur n'est pas tenu de rémunérer les heures non travaillées, même en cas de force majeure.
Toutefois, cette règle générale connaît des exceptions. Certaines conventions collectives prévoient le maintien de la rémunération en cas d'absence pour intempéries, et dans certains secteurs d'activité spécifiques, la rémunération peut être due malgré l'absence.
Les solutions alternatives proposées par l'employeur
Rattrapage des heures non travaillées
L'employeur peut proposer au salarié de rattraper les heures non travaillées à un autre moment de la semaine, conformément à l'article L3121-50 du Code du travail. Cette solution permet de concilier les intérêts des deux parties : le salarié récupère sa rémunération intégrale et l'employeur bénéficie du temps de travail prévu.
Utilisation des congés payés ou RTT
Une autre option consiste à décompter le temps d'absence du compteur de congés payés ou de RTT du salarié. Cette solution nécessite généralement l'accord du salarié, sauf dispositions contraires prévues par la convention collective applicable.
Recours au télétravail
Lorsque la nature du poste le permet, l'employeur peut proposer le télétravail comme alternative à l'absence physique. Cette solution est particulièrement pertinente pour les emplois de bureau ou les métiers du numérique. Le télétravail doit cependant être prévu par une charte, un accord d'entreprise ou faire l'objet d'un accord entre le salarié et l'employeur.
Rattrapage collectif des heures
Dans le cas où l'ensemble des salariés de l'entreprise est concerné par l'interruption de travail due aux intempéries, l'employeur peut organiser un rattrapage collectif des heures. Cette procédure, prévue par l'article R3121-33 du Code du travail, nécessite toutefois d'informer préalablement l'Inspection du travail.
Le droit de retrait du salarié en cas d'intempéries
Les obligations de sécurité de l'employeur
L'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, conformément à l'article L4121-1 du Code du travail. Cette obligation générale s'étend à la protection contre les risques liés aux conditions climatiques.
La directive européenne du 12 juin 1989 renforce cette obligation en imposant une protection des salariés dans tous les aspects liés au travail. Il appartient donc à l'employeur de limiter l'impact des conditions climatiques sur la santé et la sécurité au travail.
Conditions d'exercice du droit de retrait
Face à des variations climatiques dangereuses comme la neige, le verglas ou les fortes pluies, le salarié peut faire valoir son droit de retrait, particulièrement lors de déplacements professionnels ou d'activités de chantier.
L'article L4131-1 du Code du travail précise que le travailleur doit alerter immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Procédure et conséquences du droit de retrait
Le salarié doit simplement prévenir l'employeur avant de quitter son poste, par tous moyens disponibles. Cette notification peut se faire par téléphone, email ou tout autre moyen de communication rapide.
Si le droit de retrait est validé par un justificatif d'intempérie de chantier, aucune sanction ni retenue sur salaire ne peut être appliquée au salarié. L'employeur ne peut pas non plus imposer au salarié de reprendre son activité tant que le danger persiste. Cette protection vise à garantir l'intégrité physique du travailleur face aux risques professionnels.
Conseils pratiques pour employeurs et salariés
Pour les employeurs
Il est recommandé d'établir une procédure claire en cas d'intempéries, en concertation avec les représentants du personnel. Cette procédure doit définir les critères de déclenchement, les moyens de communication à utiliser et les solutions alternatives à proposer aux salariés.
L'employeur a également intérêt à vérifier les dispositions de la convention collective applicable, qui peut prévoir des règles spécifiques plus favorables aux salariés en cas d'absence pour intempéries.
Pour les salariés
Les salariés doivent prévenir leur employeur dès qu'ils constatent qu'ils ne pourront pas se rendre au travail en raison des conditions météorologiques. Cette communication préalable témoigne de leur bonne foi et facilite l'organisation du travail.
En cas de doute sur la dangerosité des conditions de travail, il ne faut pas hésiter à exercer son droit de retrait après avoir alerté l'employeur. La sécurité doit toujours primer sur les considérations économiques.
Spécificités sectorielles
Le secteur du BTP
Le secteur du bâtiment et des travaux publics fait l'objet d'une réglementation spécifique concernant les intempéries. Les conditions de température, de vent, de pluie ou de neige qui justifient l'arrêt des travaux sont définies précisément, et les indemnisations prévues sont généralement plus favorables que le droit commun.
Autres secteurs exposés
D'autres secteurs comme l'agriculture, les transports, la logistique ou les services à la personne peuvent également être particulièrement affectés par les intempéries. Chaque secteur peut avoir développé des pratiques spécifiques qu'il convient de connaître.
L'absence d'un salarié pour intempéries constitue généralement un cas de force majeure qui ne peut donner lieu à sanction. Cependant, les modalités de gestion de cette situation restent complexes et nécessitent une bonne connaissance du cadre juridique applicable.
La clé réside dans la communication entre employeur et salarié, ainsi que dans la mise en place de solutions alternatives permettant de concilier les impératifs de sécurité avec les exigences économiques de l'entreprise. Le dialogue social et la prévention restent les meilleurs outils pour gérer sereinement ces situations exceptionnelles mais récurrentes.